EXTRAITS AUDIENCES COUR D’APPEL LYON novembre 2010/janvier 2011
EXTRAITS
AUDIENCES COUR D’APPEL LYON
novembre
2010/janvier 2011
« JE
N’AI JAMAIS PENSE QU’UNE PIERRE ME MENERAIT ICI »
En
alternance avec les interventions et les débats les extraits qui
suivent ont été présentés sous forme de saynètes.
EXTRAIT 1
Le conseiller rapporteur : Mr
T vous nous avez dit avoir rejoint cette manifestation :
pourriez-vous nous dire ce que vous êtes allé faire dans cette
galère ?
Mr T : je manifeste contre la
réforme des retraites
Le conseiller rapporteur :
elle reste assez éloignée pour vous … Alors vous vous êtes
dans quelle catégorie ?
Mr T: manifestant
Le conseiller rapporteur :
manifestant … oui. Pouvez-vous nous définir les 2 catégories
manifestant et casseur ?
Mr T: : oui. Les drapeaux
Le conseiller rapporteur :
mais vous ne portiez pas de drapeaux
Mr T: : non
Le conseiller rapporteur : il
y aurait 3 catégories, les manifestants et les casseurs et entre les
2 les jeteurs de pierre, c’est ça ?
Mr T: : oui
Le conseiller rapporteur : et
vous vous êtes dans la 3ème catégorie
Mr T: : oui
Le conseiller rapporteur : et
la 3ème catégorie, qu’est-ce qu’elle vient faire
dans une manifestation ? Vous avez reconnu que si vous avez jeté
des pierres c’est parce qu’il y a eu une interpellation, vous
êtes quand même plus du côté casseurs que du côté manifestants,
vous soutenez les casseurs interpellés
-Et pourquoi visez-vous les
boucliers ? … Le phénomène de groupe, autrement dit « si
tout le monde se jette dans le Rhône vous allez vous jeter dans le
Rhône », ça s’appelle du panurgisme Monsieur … Je
constate qu’il y a un lien très fort entre le jet de pierres et
les interpellations effectuées par les CRS
Mr T: : oui
Le conseiller rapporteur :
vous vous interposez entre l’action des interpellations des forces
de l’ordre ? Est-ce que je me trompe ?
Mr T: : non
Le conseiller rapporteur :
on progresse quand même monsieur. Vous avez de la chance que vous
n’avez pas de casier judiciaire alors qu’est-ce que vous faites
là-dedans ?
Mr T: : c’est l’effet de
groupe
Le
conseiller rapporteur : heureusement les policiers
sont munis de boucliers et de casques : imaginez qu’ils
n’aient ni boucliers ni casques. Les policiers qu’est-ce qu’ils
font normalement … Quand vous êtes dans la rue, quand vous allez
sortir ce soir, vous serez peut-être contents de les voir pour vous
protéger.
Le
juge président : vous n’êtes pas dans le groupe d’étudiants
travailleurs parce que vous n’avez pas été capable de réussir
votre CAP. L’effet groupe marche dans le mauvais sens pour casser,
il n’a pas marché pour votre CAP, quand vous êtes dans un groupe
de travailleurs vous ne suivez pas. Et oui ça demande un effort !
Deuxième
question : les boucliers c’est pour quoi ? Pour les jolis
bruits que ça fait en laissant une pierre ? On a vu un individu
qui a caché bien gentiment sa pierre pour casser du policier, on
peut comprendre … Vous prétendez vouloir viser le bouclier, c’est
le son du bouclier qui vous intéresse monsieur ? Moi je
comprends qu’on vise les policiers, qu’on n’aime pas les
policiers mais le bouclier ? Vous auriez peut-être été plus
franc monsieur en disant que vous visiez les policiers … Vous
n’êtes pas capable malgré mon insistance de dire que ce qui vous
intéressait particulièrement c’étaient les policiers, vous ne
voulez pas comprendre …
EXTRAIT
2
Mr
G : j’ai lancé une pierre
Conseiller rapporteur : Pourquoi ?
Mr G : j’ai suivi le
mouvement de ceux qui jetaient des pierres, les policiers nous ont
lancé des gaz lacrymogènes
Conseiller rapporteur :
l’avez-vous jeté ? L’aviez-vous avant ? Avez-vous vu
des casseurs agir ? Pourquoi ne pas partir alors que vous êtes
un manifestant pacifique ? Vous l’avez lancé de quelle
façon ? Votre maman vous a élevé comme ça ? Vous auriez
dû être en stage ?
Mr G : je travaille
comme enquêteur dans les TCL, les bus étaient arrêtés,
Avocat général : il existe
une démocratie avec une majorité. La violence des jeunes n’est
pas légitime dans une démocratie et peut provoquer une dérive
fasciste. On ne peut accepter le terrorisme, la peur. Se mettre du
côté des casseurs est intolérable, les policiers ne sont pas là
pour se faire taper dessus, il faut attendre les élections.
EXTRAIT
3
Juge
président : Mr V possède un galet de 25 cm, deux policiers
indiquent des jets de projectiles avec incitation, il est trouvé en
possession de collyre
Est-ce
que vous niez avoir été porteur d’un caillou alors que des
policiers déclarent que vous leur auriez jeté toutes sortes
d’objets. Vous êtes poursuivi parce qu’une première fois vous
avez réussi à leur échapper et à la deuxième interpellation vous
vous êtes rebellé et on a dû vous bloquer sous un bouclier. Vous
niez les faits ?
Mr
V : oui, je ne me suis pas débattu
Juge
président : vous reconnaissez que la première fois vous avez réussi
à vous échapper ?
Mr
V : tout à fait
Avocat
de la défense : il y a la photo de l’interpellation
Juge
président : les violences sont des jets de projectiles et des
violences, vous les contestez ?
Mr
V : oui
Juge
président : Vous contestiez que vous vous êtes débattu ?
Mr
V : oui
Juge
président : il y a contradiction totale entre votre déclaration et
celle des policiers, évidemment … Il y a eu une constatation, vous
n’aviez pas l’équipement du parfait manifestant
Conseiller
rapporteur : vous n’aviez pas de sac à dos pour le mettre
dedans ?
Juge
président : c’est quand même bizarre il n’y avait pas de vent
si terrible ce jour-là le 19 octobre … Il n’y avait pas un vent
tel qu’il aurait arraché le drapeau … Vous croyez que nous
allons avaler cela ! C’est très astucieux, les policiers disent
que c’est une barre de fer rouge, vous nous dites que c’est la
hampe d’un drapeau, le drapeau se détache, c’est d’autant plus
fort qu’à la fin lorsque vous êtes interpellé il n’y a plus de
hampe, mais par contre il y a le galet.
Avocat
défense : Je vous ai remis une photo dans le dossier. Elle est
dans facebook où on voit Mr V entre 2 policiers qui l’embarquent
Juge
président : on voit que vous êtes maîtrisé
Avocat général : pourquoi
êtes-vous dans la manifestation des étudiants et non pas dans celle
des ouvriers ?
Mr V : Je suis venu à pied
depuis le départ de la manifestation de Lumière jusqu’à la place
Bellecour, il n’y a pas eu de débordements chez les syndicats qui
se sont rassemblés place Bellecour.
EXTRAIT
4
Avocat
général : les réquisitions du parquet en première
instance sont modérées, il ne perçoit pas que quelque chose menace
l’ordre public. 6 mois fermes demandés au lieu de 2 mois fermes et
2 mois avec sursis demandés par le parquet. La cour avait donné 2
mois avec sursis.
EXTRAIT 5
Conseiller rapporteur : Mr M
est-ce que vous reconnaissez avoir jeté une pierre sur les policiers
ou non ?
Mr M : non je n’ai jamais
jeté de pierre
Conseiller rapporteur :
vous n’avez jamais jeté de pierre ? Alors comment
expliquez-vous que les 3 policiers vous aient vu ?
Mr M : il y a beaucoup de
gens qui jetaient des pierres, ils ont pu se tromper. Je ne serai pas
resté là à attendre la police si j’avais jeté une pierre.
Conseiller rapporteur :
vous avez donc pensé que les policiers se seraient dits « ce
garçon a une tenue facile à remarquer », on va l’arrêter ?
Alors qu’il y a des caméras de surveillance partout, des
téléphones portables qui filment vous croyez que ces policiers
auraient risqué de perdre leur situation pour le plaisir de vous
imputer un fait que vous n’avez pas commis !
Mr M : je voulais aller
dans un magasin pour faire débloquer mon portable
Le conseiller rapporteur :
les policiers disent c’est que vous vous êtes glissé dans un
groupe de personnes qui attendaient le tramway de manière à ne pas
être inquiété.
Mr M : si je m’étais
mis en tenue de foule, il ne m’aurait pas remarqué
Autre conseiller : vous êtes
resté combien de temps sur place ?
Mr M : 5 min
Autre conseiller : le
policier dit qu’ils ne vous ont pas perdu de vue » Pourquoi
ils vous ont arrêté ? Alors qu’il y a des gens qui n’ont
pas été inquiétés …
Mr M : parce que je suis
jeune, parce qu’il y avait beaucoup de jeunes, ils n’ont pas
arrêté les anciens …
Avocate générale : On
remarquera la mauvaise foi de Mr M. qui ne reconnaît pas son geste,
ne l’assume pas. Même si on est jeune et sans travail, on peut
avoir une conscience politique, on peut avoir des opinions. Il y a
deux catégories d’individus : les manifestants pacifistes et
les casseurs perturbateurs qui ne viennent pas pour exprimer une
opinion mais qui viennent pour en découdre avec la police. Vous
appartenez à la deuxième catégorie. Le parquet n’a pas été
suivi par le tribunal qui demandait 3 mois fermes. Le juge pour
enfant vous avait adressé un avertissement judiciaire. Je demande 6
mois dont 4 avec sursis plus un stage de citoyenneté en complément
à la peine art 222-4 du code pénal. Ces faits ne sont pas à
banaliser.
EXTRAIT
6
Avocate générale : Il est
vu à plusieurs reprises en train de jeter des pierres, il est même
photographié. Il reconnaît les faits, il a une dose
d’intelligence plus que dans le dossier précédent. Il veut
riposter face aux gaz lacrymogènes, se mesurer aux forces de
l’ordre. Il déclare qu’il n’y a qu’à se baisser pour
ramasser les pierres. Les faits sont reconnus, assumés. Mr B est
relativement inséré, même s’il ne travaille pas dans le domaine
dans lequel il s’est formé, il est hébergé chez son père. Je
demande 6 mois avec sursis, 300 euros et un stage de citoyenneté
EXTRAIT 7
Mr C : j’étais énervé,
je regrette ce qui s’est passé, c’est une erreur d’avoir jeté
une pierre sans raisons
Juge président : on est en
démocratie, les fonctionnaires de police sont utiles à la société
et en remerciements vous leur balancez des cailloux.
Mr C : on était
emprisonné place Bellecour, on ne pouvait pas sortir, j’avais
faim !
Juge président : ça ne
justifie nullement que vous ripostiez avec des pierres, vous n’êtes
pas en état de légitime défense
Mr C : on ne
pouvait pas sortir
Juge président : vous
pouviez partir … vous écartez !
Mr C : on était
bloqué
EXTRAIT
8
Conseiller rapporteur : vous étiez
allé place Le Viste avec le mouvement lycéen
Mr B : la manifestation avait
commencé au lycée
Conseiller rapporteur : vous n’étiez pas
allé dans le but de casser des vitrines, piller des magasins etc …
Mr B : non
Conseiller rapporteur :
Qu’est-ce qui vous a poussé à jeter des cailloux en direction des
policiers ?
Mr B : ils nous ont lâché
des gaz lacrymogènes, lancé des flashballs
Conseiller rapporteur: ce n’est
pas une raison, vous avez compris depuis que vous n’êtes pas dans
une bande et que les policiers ne sont pas dans une autre, ils sont
là pour maintenir l’ordre avec les dégâts collatéraux, quand
les gaz lacrymogènes sont lancés tout le monde en profite et ce
n’est pas très agréable.
La conseillère s’adresse
au nouveau juge président tout récemment nommé à la Cour d’Appel
de Lyon : On peut constater que dans ces dossiers il s’agit
souvent de jeunes gens qui ne réussissent pas bien à l’école,
qui manquent de culture, qui manquent d’humanité, qui n’ont pas
suffisamment lu, qui n’ont pas bien réfléchi, parce que les
forces de l’ordre sont là pour faire respecter l’ordre pour que
chacun puisse s’épanouir sans risque pour lui, sinon c’est la
loi du plus fort. On a intérêt à ce que les forces de l’ordre
fassent respecter l’ordre dans une démocratie, jeter un caillou
sur les forces de l’ordre quand on a votre âge -comme diraient les
psy, c’est riche de signifiant. Ca veut dire qu’on n’aime pas
les